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L'élimination inacceptable : ne condamnez pas sans enquêter!

Les problèmes d’élimination inacceptable chez les chats sont malheureusement l’une des principales causes d’abandon. Or, si on se penche sur la cause initiale de ce comportement, on se rend compte qu’il est très souvent possible de la résoudre; surtout si on se pose les bonnes questions rapidement.

Définition : qu’entend-on par « élimination inacceptable »?

Ce terme fait référence au dépôt de fèces ou d’urine sur des surfaces horizontales ou verticales dans des endroits considérés comme inacceptables par le parent du chat (sans considération pour la cause de cette élimination).

Note : Nous préférons le terme « élimination inacceptable » à la traditionnelle appellation « élimination inappropriée ». L’utilisation du terme « élimination inappropriée » nous semble biaisée, car, du point de vue du chat, ce comportement n’est pas inapproprié, étant donné qu’il répond de façon normale à un besoin. Le terme « élimination inacceptable » met l’accent sur le fait que le lieu de déposition est inacceptable ou indésirable… pour l’humain! Ce terme souligne par là même la responsabilité qu’a l’être humain de fournir à l’animal un environnement approprié qui sera également considéré comme approprié par le chat.
 

Origines

Il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer des problèmes d’élimination inacceptable, que ce soit à cause d’un comportement de marquage ou du soulagement des déjections corporelles dans un lieu autre que celui désigné par le propriétaire. 

Marquage urinaire (communication)

  • Territoire / Protection des ressources
  • Statut / position « hierarchique » (statut sexuel ou social)
  • Anxiété

Choix de nouvelles toilettes

  • Causes comportementales: préférences ou aversions
  • Causes médicales

Alors que le marquage correspond à un processus de communication, le soulagement des besoins en dehors de la litière se subdivise entre des causes médicales et des causes comportementales.

Le marquage urinaire

Le marquage urinaire (aspersion d’urine, comportement territorial ou social) doit être différencié de la miction classique. Il s’agit d’une méthode normale de communication entre individus. Le plus souvent, ce marquage est effectué par les chats mâles entiers (= non castrés), mais ce n’est pas une « règle absolue ».

Posture

Debout, queue verticale et frétillante

Surface de dépôt de l’urine

Verticale

Quantité d’urine émise

Faible (spots)

Miaulements

Oui

Début de séquence

Flehmen (bouche entrouverte avec le nez retroussé)

Fin de séquence

Pas de recouvrement

Le chat marque ce qui est inconnu par des « marquages d’adoption » et ce qui est déjà marqué par des « marquages d’entretien ». Le marquage est aussi géographique que temporel : il délimite une portion d’espace par une barrière olfactive et il permet à l’émetteur, par la disparition progressive du signal olfactif, de se repérer dans le temps.

Le marquage peut devenir pathologique – notez qu’un comportement pathologique est un comportement qui ne permet plus une adaptation adéquate aux variations de l’environnement. Toute modification du comportement de marquage chez le chat peut être le reflet du développement d’un trouble ou d’une maladie comportementale. 

Chez le chat adulte, une augmentation du marquage urinaire doit entraîner une consultation chez le vétérinaire pour rechercher avant tout une potentielle affection de santé, et notamment des troubles anxieux. Une augmentation des spots urinaires peut par exemple être initiée par une modification territoriale (déménagement, déplacement de meubles, changement des horaires du propriétaire, arrivée d’un nouveau membre dans la famille, etc.). Si le stress perdure et génère de l’anxiété, une situation de marquage pathologique peut se mettre en place. D’autres signes peuvent accompagner ces modifications comportementales : agressions, boulimie/anorexie, troubles du sommeil, crises motrices... 

Le choix de nouvelles toilettes

Les causes médicales

Les causes médicales de l’élimination inacceptable sont principalement celles qui touchent à l’appareil urinaire (cystites idiopathiques, calculs, infections urinaires, etc.). D’autres pathologies, responsables de l’augmentation de la quantité d’urine émise (diabète par exemple) et de diarrhées ou de constipation, peuvent également être mentionnées. Des origines environnementales peuvent jouer un rôle, souvent en raison d’une « source de stress pour l’animal », par exemple dans le cas des cystites idiopathiques. 

C’est pour éliminer ou pour mettre en évidence le plus tôt possible ce genre de pathologies qu’il est systématiquement recommandé de consulter un vétérinaire dès les premiers signes d’élimination inacceptable chez le chat.

Les causes comportementales

Les causes comportementales associées aux éliminations inacceptables peuvent, dans certains cas, provenir d’une préférence du chat pour un autre lieu d’élimination (pot de fleurs, baignoire, etc.) ou d’une source de stress; mais ce n’est pas la règle générale : les causes comportementales associées aux éliminations inacceptables proviennent essentiellement d’une aversion du chat pour la litière (pour le substrat, le bac à litière ou la gestion de l’hygiène du bac à litière). 

Posture

Accroupie

Surface de dépôt de l’urine

Horizontale

Quantité d’urine émise

Importante (flaques)

Miaulements

Non (sauf si pathologie)

Début de séquence

Grattage (sauf si aversion pour la litière)

Fin de séquence

Recouvrement (sauf si aversion pour la litière)

 

Préférences et aversions des chats en ce qui concerne les litières

Le degré d’appréciation ou d’aversion d’un chat pour une litière peut être mesuré grâce à différents indicateurs. Par exemple, les chats insatisfaits de leur litière ont tendance à être hésitants face à leur bac et à éviter d’y entrer, ainsi qu’à moins recouvrir leurs excréments et/ou à gratter les bords du bac ou la surface qui l’entoure plutôt que la litière.

Le manque d’hygiène

L’hygiène de la litière est l’une des causes principales d’aversion pour la litière chez les chats. Ceci est souvent observé pour les chats ayant accès uniquement à un bac couvert, ce qui concentre les odeurs nauséabondes dans le bac. Plusieurs chats préfèrent donc se soulager dans des lieux plus aérés. Dans ce cas, une meilleure hygiène et la présentation d’un bac ouvert peuvent régler ce problème. 

Notez que L’American Association of Feline Practitionners (AAFP) et l’International Society of Feline Medicine (ISFM) recommandent un retrait quotidien des excréments de la litière. Avec une litière agglomérante, cette procédure est facilitée.

Les odeurs d’ammoniac

L’ammoniac, gaz causant les fortes odeurs propres aux litières souillées, est produit lorsque l’urée contenue dans l’urine est dégradée par des enzymes bactériennes. Les chats (tout comme les êtres humains) réagissent mal aux fortes odeurs d’ammoniac. De plus, notez que l’ammoniac est également toxique et peut causer de nombreux effets néfastes pour la santé. 

Afin de minimiser ou de prévenir la production d’ammoniac à partir de l’urée, les litières de haute qualité utilisent un éliminateur d’odeur d’ammoniac, qui augmente l’appréciation des chats pour la litière et diminue les risques d’élimination inacceptable.

Les types de litière

Les aversions envers la litière peuvent être causées par l’utilisation d’une trop grande quantité de parfum ou par une texture à granulométrie trop grossière. Les chats préfèrent des litières non parfumées (ou faiblement parfumées), composées de grains fins et, souvent, agglomérantes. 

Il semblerait également que la majorité des chats ait une nette préférence pour les litières à base d’argile, leur texture étant semblable à de la terre, substrat où les chats à l’état sauvage vont déféquer. 

Autres

La localisation du bac à litière est également un facteur important. Lorsque le chat a de la difficulté à accéder à son bac, il y a une augmentation du risque d’élimination inacceptable. Les causes pouvant gêner l’accès au bac sont, entre autres, un environnement multichat conflictuel, la présence d’enfants ou de bruit, ou un problème de santé du chat. Les chats ont une préférence pour les lieux calmes, privés, faciles d’accès et sécuritaires.

Les bacs qui ne contiennent pas suffisamment de litière, qui sont trop petits ou qui contiennent des doublures (comme les sacs de plastique) dans lesquelles les griffes risquent de rester coincées peuvent également engendrer des aversions.

Les efforts que l’on demande au chat

Les chats d’intérieur sont gardés dans un environnement généralement adapté au genre humain plutôt qu’à la gent féline. Nous leur demandons de supporter notre mode de vie. 

Les chats ont ce qu’on appelle un « niveau de tolérance », qui est propre à chaque individu : c’est le niveau jusqu’où ils sont prêts à tolérer plusieurs adaptations humaines. Au-delà de ce niveau, leur coopération ne sera pas forcément de mise et ils peuvent exprimer un « comportement de stress » (marquage, choix de nouvelles toilettes – mais aussi agressivité, griffades, etc.).
 

Dans la « zone de tolérance »

Peu d’efforts sont demandés au chat – son environnement respecte bien ses besoins, par exemple :

  • Bonne qualité de litière, bonne hygiène, pas (ou peu) parfumée
  • Bon emplacement des bacs
  • Endroits où le chat peut jouer / se cacher, etc.
  • Routine sans surprise désagréable (déménagement, nouveau locataire, etc.)
     

 

« Comportement de stress »

De gros efforts sont demandés au chat – son environnement ne respecte pas suffisamment ses besoins, par exemple :

  • Mauvaise qualité de litière, hygiène insuffisante, litière trop parfumée
  • Mauvais emplacement des bacs (p. ex. : proche de la nourriture)
  • Colocataires non désirés par le chat (p. ex. : mésentente entre animaux dans la maison)
  • Agenda du propriétaire sans arrêt modifié / longue absence du propriétaire
  • Environnement faiblement enrichi en jeux / en cachettes

Les solutions à l’élimination inacceptable

Étape 1 : toujours consulter un vétérinaire !

Dans un premier temps, il faut identifier le type d’élimination inacceptable (marquage OU choix de nouvelles toilettes). Ensuite et surtout, il est important d’éliminer une éventuelle cause pathologique sous-jacente. 

Les pathologies, notamment urinaires, sont très souvent en cause dans les situations d’élimination inacceptable. C’est en traitant la maladie – le cas échéant – qu’on peut commencer à résoudre l’élimination inacceptable.

En cas de marquage

Souvent, le marquage est lié aux hormones sexuelles, et la stérilisation va être une option dont vous pourriez discuter avec votre vétérinaire. Si c’est une forme pathologique de marquage, il faut explorer d’éventuels désordres dans l’environnement de votre chat – ils constituent de potentielles sources d’anxiété. 

En cas de « choix de nouvelles toilettes »

Il faudra déterminer si votre animal a tout simplement trouvé un nouveau lieu d’élimination qu’il trouve mieux adapté à ses goûts (pot de fleurs, tapis, etc.) ou si l’origine vient d’une aversion pour ce qu’il a à sa disposition actuellement.

À propos de l'auteure

Elodie Khenifar
Dre Vétérinaire, MSc. pathologie - microbiologie.
Directrice médicale vétérinaire pour Intersand et le laboratoire Blücare, Boucherville, Québec, Canada

La Dre Khenifar, diplômée de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, a commencé par travailler en patientèle vétérinaire mixte avant de poursuivre avec une Maîtrise en Sciences Vétérinaires, option pathologie & microbiologie, à la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe (Québec). 

Depuis 2017, elle s'occupe de la communication scientifique vétérinaire pour Intersand & le laboratoire Blücare et assure la direction médicale de ces compagnies. 

30-01-2021